L’essor des réseaux sociaux, qui est le média le plus utilisé actuellement en raison de la diversité des services offerts (publication de textes, de photos, de films, blogs, visioconférences, etc.), mais aussi de sites tels que YouTube, Google, Twitter, LinkedIn, Facebook, et podcasts, etc., a transformé la communication en ligne.
Aujourd’hui, Internet occupe une grande place dans la vie des adolescents. Si les médias sociaux sont généralement utilisés de manière saine et responsable par la grande majorité des jeunes, certaines pratiques sont susceptibles d’engendrer des dommages importants. Tel est notamment le cas du cyber-harcèlement. Des cas de suicide liés à ce phénomène d’ampleur sont régulièrement relatés par la presse et mettent le public en émoi.
Le cyber-harcèlement chez les adolescents : explications
Un harcèlement comme les autres ?
Le harcèlement sur internet obéit aux mêmes mécanismes fondamentaux que le harcèlement classique et le harcèlement scolaire. Pour que le terme de harcèlement puisse être utilisé, au-delà de la volonté de nuire de la part du « bourreau », il faut que les agressions s’inscrivent dans la durée et que la relation entre l’agresseur et sa victime soit asymétrique.
Conséquences et réactions
La cyber-violence et le cyber-harcèlement ont des conséquences graves sur le bien-être et la santé mentale des victimes mais aussi des agresseurs et des témoins. Il existe un consensus général selon lequel ces conséquences seraient plus importantes que celles du harcèlement traditionnel en raison des caractéristiques particulières de ce type de violence (anonymat et public élargi).
Le cyber-harcèlement présente des traits spécifiques
Beaucoup d’adolescents perçoivent encore internet comme une zone de non-droit, où ils peuvent faire ce qu’ils veulent, même sans être anonymes. En outre, les technologies agissent comme un désinhibiteur et un jeune qui n’oserait pas agresser un camarade en personne peut être tenté de le faire sur la toile.
Les messages, photos, vidéos, etc., humiliants ou haineux peuvent rester indéfiniment sur internet et donc être visibles de tous. Notons que la permanence des contenus est un élément qui n’existe pas dans le harcèlement classique (aussi en termes de preuve).
À l’âge où la réputation est d’une importance capitale, le danger de telles pratiques pour l’intégrité psychologique des adolescentes est évident.
L’importance du phénomène
Explications et conséquences
L’absence de contact physique est l’une des caractéristiques majeures des communications sur internet. Cela joue un rôle important dans la compréhension du phénomène de cyber-harcèlement. En effet, les jeunes se sentent plus libres, plus téméraires, pour commettre certains actes qu’ils n’auraient jamais envisagés dans la vie « réelle ».
D’une part, ils ne perçoivent pas directement les conséquences de leurs actes et ressentent donc moins un sentiment d’empathie. D’autre part, le fait d’être derrière son écran nourrit un sentiment d’impunité et, même s’ils n’agissent pas de manière anonyme, les harceleurs ont le sentiment que ce qu’ils font sur le net n’est pas grave et qu’ils n’auront pas d’ennuis.
Du côté des victimes, des sentiments de colère, de détresse ou encore de frustration peuvent surgir, avec des effets possibles sur les relations (le jeune a tendance à être plus introverti), sur les performances scolaires, et sur le développement personnel (diminution de la confiance en soi et image de soi altérée). Des troubles psychologiques, parmi lesquels des sentiments dépressifs, peuvent surgir, ou certaines formes de paranoïa, dans la mesure où la victime ignore qui médit sur elle, ou plus.
Du côté des auteurs, la particularité du cyberharcèlement fait qu’ils ne perçoivent pas la réaction des victimes, ce qui tend à les rendre moins empathiques.
Quant aux témoins, ils subissent des effets psychologiques collatéraux du cyber-harcèlement, même si leur rôle n’est pas actif.
Formes d’expression de la cyberviolence
La cyberviolence ou encore le harcèlement électronique peuvent prendre différentes formes et divers dangers potentiels sont associés aux pratiques numériques tels que :
- La soumission indésirée à des images pornographiques ou violentes
- La soumission à l’influence d’adultes mal intentionnés se faisant passer pour des jeunes sur Internet
- L’usurpation d’identité d’un individu pour le discréditer auprès de son réseau social
- La tentative d’intimidation, des menaces, la propagation de rumeurs contre la victime
- La diffusion indésirée d’images privées, voire touchant à l’intimité des individus ou encore la diffusion d’images humiliantes prises à l’insu de la victime
- Le « slut-shaming » : « slut », salope ; et « shame », honte, consiste en la stigmatisation de certaines attitudes ou manières de s’habiller des jeunes filles, le plus souvent sur les réseaux sociaux
- Les insultes et menaces par téléphone portable, chats, forums, mails, twitter
- L’incitation d’un groupe sur un site ou un réseau social à ridiculiser un individu ou un groupe d’individus (racisme, homophobie, sexisme)
- Le sexting non consenti (de « sex » et « texting » pour désigner l’échange de contenus à caractère sexuel par SMS ou messagerie) ou le « revenge porn » ou porno-divulgation ou chantage à la webcam
Facteurs psychologiques et comportementaux
Des relations interpersonnelles difficiles en ligne et hors ligne
Les études qui se sont attachées à comprendre quelles étaient les raisons qui motivaient les comportements agressifs et le cyberharcèlement montrent de façon unanime que l’une des principales raisons était la rupture d’amitiés ou encore de relations amoureuses. L’envie ou la jalousie, notamment chez les filles, sont un moteur puissant (le slut-shaming).
Il existe une corrélation significative entre la solitude chez les adolescents et le fait d’être cyber-victime. Le fait d’avoir été impliqué dans du harcèlement hors ligne et d’être rejeté du groupe de pairs représentent également des facteurs de risque.
Enfin, a aussi été démontré que la fréquentation de pairs aux comportements déviants ou délinquants influençait l’implication des jeunes dans la cyber-violence tout comme leur victimisation.
Contrairement à ce qui a pu être pensé au début de l’avènement de l’utilisation massive des outils connectés, l’école joue un rôle dans le processus. En effet, le lien entre violence à l’école et cyberviolence est présent. La perception négative du climat scolaire, les difficultés au sein du groupe de pairs augmentent le risque d’être cyber-victimisé. Tout comme la cyber-victimisation répétée affecte la perception du climat scolaire, les élèves victimes à répétition déclarent une représentation plus négative de leur expérience scolaire leur victime.
Il s’agit donc d’une violence de proximité et il existe une continuité entre les relations en ligne et hors ligne, contrairement à ce que l’on pourrait penser.
Conséquences et stratégies de coping
Les victimes de cyber-violence et de cyber-harcèlement rapportent des sentiments de colère, de tristesse, de peur, de honte et de plus hauts niveaux d’anxiété que les jeunes qui ne sont pas victimes. Elles ont aussi plus tendance à consommer de l’alcool et des drogues, et à développer des troubles du comportement alimentaire.
Leur sommeil est affecté et elles souffrent d’insomnie, voire de détresse psychologique. Qu’ils soient victimes ou agresseurs, les protagonistes de la cyber-violence ont des compétences sociales dégradées qui se traduisent par des relations difficiles, l’isolement ou encore de l’agressivité.
La vie scolaire des jeunes est aussi affectée dans le sens où ils rencontrent plus de difficultés de concentration, s’absentent plus souvent et sont plus fréquemment sanctionnés. Perte de concentration, échec scolaire, démotivation, absentéisme et décrochage sont relevés chez les jeunes concernés par ce phénomène.
Le cyber-harcèlement peut avoir des conséquences désastreuses à long terme sur le développement psycho-socio-émotionnel des victimes. En témoignent les suicides cependant rares mais dramatiques. Le fait d’être victime de cyber-harcèlement peut engendrer des comportements autodestructeurs (mutilation, tentatives de suicide) anxiété, dépression.
Prévention et interventions
Les signes d’alerte
Un adolescent soudain mystérieux, qui se retire de la vie sociale, arrête soudainement ses activités sans raison valable, se met à boire ou refuse d’aller en cours, sont autant de symptômes qui peuvent laisser penser que celui-ci est victime de harcèlement.
Pour lutter contre le cyber-harcèlement, il est essentiel de mettre en place un travail de prévention et de sensibilisation auprès des élèves, du personnel scolaire et des parents. Mais il importe également que les élèves puissent mettre des mots sur le phénomène et être écoutés.
Pour ce faire, il est nécessaire qu’existe un climat de confiance au sein de l’établissement scolaire et d’une manière générale, entre adultes et enfants. Les programmes de prévention doivent avant tout inciter à se confronter au problème au lieu de l’ignorer.
De plus, il existe un lien fort entre harcèlement scolaire et cyber-harcèlement qui vont le plus souvent de pair et l’école est donc le lieu idéal pour amener les jeunes à se confronter à cette problématique et à engager un dialogue constructif. L’école ne doit pas se décharger de cette mission qu’aucune autre institution ne peut assumer à sa place.
Comment protéger son enfant contre le cyber-harcèlement ?
En tant que parent, vous pouvez jouer un rôle dans la prévention et la protection de votre enfant face au cyber-harcèlement. Les parents ont tendance à considérer les technologies numériques comme le domaine réservé de leurs enfants qui auraient davantage d’habileté et de compétences. On oublie surtout qu’ils ne connaissent pas vraiment le fonctionnement des réseaux sociaux et n’ont pas conscience des risques encourus.
Retarder l'accès à Internet
Le meilleur moyen de prévenir le cyber-harcèlement est de ne pas donner accès à Internet à son enfant trop tôt. Plus on retarde le moment de lui acheter un portable, une tablette ou un ordinateur, moins il risque d’être exposé au cyber-harcèlement.
Installer le contrôle parental sur les appareils numériques de votre enfant et contrôler régulièrement ses comptes sur les réseaux sociaux et les messageries.
Sensibiliser son enfant
Après l’acquisition d’outils numériques, il convient d’expliquer à ses enfants comment se protéger : ne pas exposer sa vie personnelle, le guider dans une utilisation mesurée d’internet et des réseaux sociaux. Familiariser votre enfant aux usages numériques responsables, comme la liberté d’expression et ses limites, les dangers de l’effet de groupe sur les réseaux sociaux.
Informer son enfant
En tant que parent, il est important de rappeler à son enfant que derrière les écrans, il y a de vrais êtres humains que l’on doit respecter. Apprendre à votre enfant que les propos tenus sur Internet ont des conséquences réelles sur le plan pénal en plus de porter préjudice à la victime.
Enfin, il est important de l’informer des risques et de l’inciter à en parler à un adulte s’il venait à être confronté au cyber-harcèlement.
Que faire en cas de cyber-harcèlement ?
Après en avoir discuté avec un adulte, l’adolescent victime de cyber-harcèlement peut commencer par signaler aux réseaux sociaux ou au forum les contenus diffamatoires circulant à son sujet ainsi que les comptes dont ils émanent. Il est également possible de bloquer une personne afin de ne plus recevoir de messages de sa part.
Ne pas rester isolé
Les contenus peuvent aussi être signalés à la police ou à la gendarmerie via le site PHAROS. Toute personne peut effectuer un signalement et ce, même si elle est mineure. Dans tous les cas, il est vivement recommandé de faire des captures d’écran des messages provenant des agresseurs afin de collecter des preuves. Le dépôt de plainte est aussi possible.
Numéro d’assistance pour les jeunes victimes de violences numériques
Victime de cyberharcèlement ? Appeler le numéro gratuit 3018. Ce numéro d’appel, gratuit, anonyme et confidentiel est accessible 7 j/7 de 9h à 23h.
L’éducation Nationale a un rôle fondamental à jouer
Dans la transmission des valeurs liées à un usage responsable et citoyen d’internet et s’engage donc à informer les élèves sur :
- L’importance de parler des problèmes rencontrés entre élèves avec les adultes de l’établissement et de venir en aide aux victimes
- Les risques liés à l’utilisation des nouveaux médias, la protection de leurs données personnelles et de leur vie privée
- Le respect de la vie privée et du droit à l’image de leurs camarades
En guise de conclusion
Aucun enfant ne devrait avoir à subir une telle violence répétée. Le meilleur moyen de lutter contre le cyberharcèlement est de le faire savoir.
- N’essayez pas de résoudre le problème seul
- Signalez les cyber-harceleurs aux modérateurs des différents sites, tchats, forums
- Conservez les messages reçus en sauvegardant les sms, en enregistrant des copies d’écran
- Contactez l’établissement scolaire si les cyber-harceleurs sont dans le même collège ou lycée
- Changer de numéro de téléphone, d’adresse email, fermer le compte (exemple Facebook ou Twitter) sur lequel se tiennent les propos en cause
- Portez plainte car le cyber-harcèlement est un délit
- Apportez un suivi psychologique à votre enfant si nécessaire
Le 3018 a pour spécificité de prendre en charge toutes les jeunes victimes de violences numériques, dont le cyber-harcèlement. Le 3018 permet de faire supprimer comptes et contenus préjudiciables des principaux réseaux sociaux, sites et plateformes, car il a le statut de « signaleur de confiance ».