Dans le thème de la criminalité, des questions reviennent souvent : des prédispositions criminelles existent-t-elles ? Peut-on établir des corrélations psychologiques entre les profils violents ? Quels sont les facteurs qui poussent le criminel à passer à l’acte ?
À quoi pensent les tueurs ?
Niveau d’organisation et de violence, type de blessures infligées... En cas de meurtre ou de viol, les analystes comportementaux étudient ces éléments et de nombreux autres pour déterminer le profil psychologique du criminel. Ils participent à l’audition des suspects et à l’identification de tueurs en série.
Sur une scène de crime se cachent de multiples éléments susceptibles de trahir la personnalité du criminel. Autrefois laissés de côté, ces éléments sont désormais pris en compte par le DSC (Département des Sciences du Comportement), anciennement GAC (Groupe d’Analyse Comportementale) créé en 2001. Lorsque le malfaiteur est inconnu, les analystes comportementaux cherchent en effet à en dresser un portrait socio-psycho-pathologique à partir d’indices relevés sur la scène de crime, d’informations résultant des investigations et de témoignages recueillis par les enquêteurs.
L’outil le plus connu est le Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques (FNAEG), il conserve les empreintes génétiques de personnes mises en cause ou déclarées coupables de certaines infractions. C’est une suite de chiffres établie à partir de l'analyse de quelques segments de l'ADN d'un individu qui est suffisamment caractéristique pour permettre de l'identifier.
De plus, lors de toutes ces investigations on parle de profilage, un néologisme issu de l’anglais profiling. Cette discipline est née dans les années 1950 aux États-Unis, où elle ne s’est vraiment développée que 20 ans plus tard. Les analystes comportementaux sont chargés de deux autres missions : la conduite d’auditions personnalisées (lors desquelles ils conseillent les enquêteurs et s’attachent au langage non verbal du suspect) et l’analyse comparative de crimes (pour déterminer si le même malfaiteur est en cause).
Ils interviennent dans des cas d’homicides, d’agressions sexuelles en série et de disparitions ou d’enlèvements d’enfants en cours ou non élucidés. La détermination d’un profil d’auteur inconnu consiste à décrire les traits de personnalité, le mode de vie et le comportement quotidien d’un individu susceptible de commettre le crime étudié.
Missions du criminologue
Connu également sous la terminologie de Psychologue expert spécialisé en criminalité ou Profileur, le criminologue est avant toute chose un expert de la science du crime. Contrairement aux idées reçues dans les séries américaines, il ne s'agit pas d'un simple profiler chargé de déterminer le profil d'un criminel dans le cadre d'une enquête. Il participe à l'analyse des statistiques et à la recherche de l'origine des crimes. Pour cela, il explore les causes des actes criminels et aide la police à mettre en place les moyens nécessaires pour prévenir la délinquance, la criminalité et les délits. A ce titre, il évalue les criminels selon diverses approches (sociologique, psychologique, économique et juridique).
Les missions du criminologue sont les suivantes :
- Il assiste les forces de l'ordre dans le cadre de délits, de délinquance ou de crimes
- Il veille à l'actualité juridique pour mettre à jour ses connaissances au quotidien
- Il recherche les causes de la criminalité en analysant le contexte économique du crime, les motivations du délinquant ou du criminel, sa personnalité, sa situation familiale et professionnelle
- Il effectue des examens psychologiques des délinquants et des criminels
- Il assiste les tribunaux pour fixer une peine proportionnelle au crime et à ses causes
- Il propose des moyens de prévention adéquats et partage ses connaissances de la criminalité
Pourquoi les tueurs en série nous fascinent-ils tant ?
Crime et folie : un rapprochement trop tentant ?
La recherche d'une « personnalité criminelle » n'a guère de sens, tant sont diverses les formes et les types de criminalité : vol, fraude, meurtre ou corruption… En revanche pour des crimes spécifiques comme les meurtres en série, la notion de profil psychologique prend toute sa pertinence.
Dexter, Hannibal, Jeffrey Dahmer … On ne compte plus le nombre de documentaires et séries qui nous plongent dans l’univers des tueurs en série. La question de la fascination pour ces tueurs subsiste. Les spectateurs sont tombés sous le charme de Dexter et son code « éthique », ont suivi avec attention la naissance du profilage criminel avec Mindhunter et ont même été touchés par de nombreux documentaires de réels faits divers. Doit-on s’interroger sur notre rapport avec ce type de contenu ? D’où vient cet intérêt ? Et surtout, est-il toxique ?
La naissance des tueurs en série : une fascination intemporelle
Les tueurs ont toujours fasciné. Le phénomène a toujours existé : il y a plus d’un siècle, la presse papier racontait déjà des faits divers qui ont impacté notre conscient et notre inconscient. Ces sujets prenaient déjà beaucoup de place. Les faits divers sont décrits avec violence. Il y avait même à cette époque les détails de l’autopsie. C’était très voyeur et exhibitionniste. Aujourd’hui, cette dimension est plus contrôlée et dans une forme d’esthétisme.
De Faites entrer l’accusé à Chroniques criminelles, on n’a jamais autant parlé de tueurs. Mais cette fascination n’est pas nouvelle, elle est simplement plus visible aujourd’hui, avec les différents supports et l’explosion des réseaux sociaux. Dans certains cas, la simple fascination dépasse la raison. Des lettres d’amour aux demandes en mariages, certaines personnes adulent ces criminels.
Des électrons libres en dehors de la société
Ces individus sont fascinants car ils sont à l’opposé de nos valeurs et représentent ce que nous ne serons jamais. C’est l’effet du miroir inversé. Nous sommes toujours dans l’insatisfaction et dans la réflexion, car nous sommes confrontés à nos pulsions, sans fléchir. Le psychopathe va au contraire céder sans culpabilité. Il vit sans pouvoir se reprocher ses actes. Cette fascination est aussi due à une identification honteuse et secrète : ces individus titillent notre sadisme et notre haine de l’autre.
En apparaissant comme des individus isolés et en dehors des règles de la société, les tueurs en série suscitent un fort intérêt. Ce sont des électrons libres qui s’abandonnent à leurs pulsions. Mais cette liberté est un leurre. C’est une illusion pour les humains que nous sommes, avec notre culpabilité et notre peur de blesser l’autre. On peut croire que celui qui transgresse va être libre, mais pas du tout ! Il a une injonction à jouir permanente. Ils sont pris au piège de leurs pulsions et beaucoup moins libres que ceux qui utilisent un mécanisme de défense comme le refoulement.
La fabrique de héros fantasmés : qu'est-ce que l’hybristophilie ?
L’hybristophilie est une paraphilie dans laquelle un individu est sexuellement attiré par d'autres ayant commis un crime (viol, meurtre). Dans la culture populaire, ce phénomène est plus connu sous le nom de « Syndrome Bonnie et Clyde ». Rappelons que l’hybristophilie n’est pas en soi un trouble mental, mais plutôt une paraphilie. C’est-à-dire qu’il s’agit d’une déviation de l’attraction sexuelle conventionnelle.
Derrière les barreaux, les tueurs en série reçoivent des centaines de lettres écrites par des fans. L’hybristophilie se définit par des individus attirés sexuellement, affectivement ou spirituellement par d’autres ayant commis des crimes. En général d’une femme par un homme reconnu coupable de crimes atroces mais il existe aussi des cas d’hommes, on parlera alors d’enclitophilie ce qui désigne plus particulièrement l'attirance sexuelle pour les femmes criminelles.
Il n’est pas facile à comprendre, d’un point de vue moral et intellectuel, comment de tels individus peuvent être considérés comme des partenaires potentiels. Ni même comment certaines personnes ressentent le désir de nouer des relations intimes avec eux. Après tout, ces personnes ne semblent pas témoigner du respect, de la confiance, de l’attention mutuelle et des autres qualités indispensables que suppose le lien amoureux. Alors, pourquoi cette attraction ? Essayons de donner une réponse à cette question.
Concrètement l’hybristophile va chercher à entrer en communication avec le prisonnier pour entamer une relation. Pas forcément pathologique mais toujours significatif d’une grande détresse personnelle et d’une profonde solitude, cette paraphilie est loin d’être un comportement isolé.
Cependant, il existe plusieurs explications possibles qui peuvent se combiner et donner lieu à l’hybristophilie :
- Premièrement, au niveau de l’évolution, il peut y avoir une préférence pour les partenaires forts. En effet, de telles personnes seraient plus à même de protéger sa femme et sa progéniture. Les personnes dangereuses projettent ainsi une image de puissance et une capacité à dominer les autres. La génétique peut donc jouer un rôle dans ce domaine en faveur de ce type de profil.
- D’autre part, les hommes dangereux ou les criminels ont généralement le profil type de la personnalité de la triade noire. Cette personnalité se caractérise par des traits de narcissisme, de machiavélisme et de psychopathie. Ce type de personnalité s’avère attrayante pour les femmes pour diverses raisons.
- Les expériences de l’enfance et l’attachement précoce influencent également le choix des partenaires sexuels et romantiques. Il a été démontré que les femmes qui ont été victimes de maltraitance dans leur enfance sont plus susceptibles d’être maltraitées par leur partenaire par la suite.
- Enfin, la société elle-même et la culture dans laquelle nous vivons peuvent déterminer, en partie, l’attractivité générée par les hommes dangereux. Ainsi, les rôles traditionnels des sexes impliquent généralement que les femmes doivent être soumises et les hommes doivent être dominants. Cela influence donc, en règle générale, les préférences des femmes.
Selon les spécialistes, trois catégories de femmes peuvent être identifiées :
- La femme qui croit au pardon et à la rédemption. Ce schéma relationnel est connu sous le nom de « syndrome de l’infirmière ». Grâce à sa patience et son dévouement, ces femmes sont persuadées de remettre le prisonnier dans le droit chemin.
- La femme qui souffre de grande solitude affective. Elle va se sentir rassurée par l’absence de liberté du prisonnier, ce qui crée une barrière entre eux. Elle possède ainsi le sentiment de contrôle sur le criminel.
- La femme avec un trouble pathologique qui va chercher à attirer l’attention sur elle en se rapprochant du criminel.
Comprendre une psychologie complexe
Les tueurs en série sont, d’un point de vue psychologique, une protection sociale contre les dérives. Malgré toute cette fascination, nous pouvons arguer que notre obsession pour les tueurs en série sert aussi à jouer un rôle. Le crime, a non seulement toujours existé et existera toujours. Le crime est une réponse à la violence déjà présente et permettrait à la morale et au droit d’évoluer en parallèle. Une société plus juste est peut-être ainsi une société qui en connait davantage sur le crime.
Ainsi, une société où les individus s’intéressent au crime (ex : les tueurs en série) est peut-être plus sécuritaire qu’une société qui ne s’y intéresserait pas. Nous sommes attirés par les représentations archétypales du tueur en série, parce qu’elles nous servent d’exutoire, de catharsis mais aussi comme modèle de « mauvaise humanité » qu’il nous faut éviter.
En guise de conclusion
De cette manière, il est possible qu’être fascinés par les tueurs en série nous conduise à reconnaître par le même coup leur déchéance et leurs mauvais comportements comme quelque chose de non souhaitable et dont nous intériorisons ces « interdits fondamentaux » dans notre surmoi de façon à nous protéger contre les pulsions les plus horribles qui pourraient vouloir émerger.
De ce point de vue, Le profilage criminel est un instrument comportemental destiné à aider les enquêteurs, une méthode d’investigation d’utilité publique.
Il ne faut donc pas obligatoirement considérer notre appréciation des tueurs en série ou du morbide comme quelque chose de malsain mais plutôt comme une tentative de compréhension de l’identité humaine, en constante évolution.